Avec Eden, Ron Howard signe une fresque puissante et oppressante inspirée d’une histoire vraie oubliée. L’intrigue se situe dans l’entre-deux-guerres et suit le docteur Friedrich Ritter (interprété avec intensité par Jude Law) et sa compagne, fuyant le fascisme allemand pour s’exiler sur une île reculée des Galápagos. Leur but : vivre en autarcie et rédiger une philosophie nouvelle, à contre-courant du monde moderne.
Mais leur isolement ne dure pas. La presse relaie leur expérience, attisant la curiosité d’autres âmes en quête d’utopie : un couple allemand avec leur fils, puis la fantasque et ambitieuse baronne Eloise Wagner de Bosquet (Ana de Armas), accompagnée de ses deux amants et d’hommes de main, débarque avec le projet délirant de construire un hôtel de luxe.
Très vite, les tensions montent. Les idéaux s’effondrent. Ce qui devait être un éden devient un enfer. Trahisons, manipulations, affrontements, le film vire au thriller paranoïaque, flirtant parfois avec le drame psychologique et la satire sociale. Dans cette lutte d’influence, la plus grande menace n’est ni le climat rude ni la faune sauvage, mais les hommes eux-mêmes.
Une distribution magistrale
Ana de Armas est fascinante en baronne sulfureuse, et Jude Law, tout en retenue, incarne brillamment un homme partagé entre foi en ses idées et désillusion. Le reste du casting n’est pas en reste, chacun incarnant avec justesse la complexité de personnages en quête d’un paradis… qui se mue en enfer.
Un tournage rude, un film viscéral
Mais Eden, c’est aussi un tournage extrême. Tourné dans le Queensland australien, dans une chaleur avoisinant parfois les 40°C, le film a été pensé comme une expérience brute, presque documentaire. Vanessa Kirby a comparé l’ambiance à “une saison de Survivor”, avec insectes, humidité et tournages sous tension.
Ron Howard, fasciné par ce fait divers depuis une découverte fortuite lors d’un voyage familial, a mis plus de quinze ans à concrétiser ce projet. Il a voulu tourner vite, au plus près du réel, dans des conditions rustiques, parfois à la merci de la météo.
La scène de l’accouchement de Sydney Sweeney dans une caverne infestée de chiens sauvages a été tournée sans doublure, en condition réelle, une performance qualifiée de “sauvage et viscérale” par la comédienne. Howard, fidèle à sa méthode, a rejeté toute forme de confort ou d’artifice visuel : “Pas de luxe, pas de fausse beauté. Juste la nature, et eux”.
Un chaos maîtrisé
Le film bouscule. Il oscille entre drame psychologique, thriller, satire sociale et film de survie. Parfois, on ne sait plus très bien ce que l’on regarde – et c’est voulu. Howard cultive l’ambiguïté, renforce la paranoïa. Un choix qui a dérouté une partie de la critique, certains jugeant le récit trop chaotique ou surchargé de thématiques : fascisme, utopie, capitalisme, écologie, dérive sectaire…
Mais cette complexité fait aussi la richesse du film. Il interroge notre besoin d’échappatoire, nos illusions collectives et la fragilité des idéaux face à l’égoïsme et à la peur.
Fiche technique :
Titre : Eden
Réalisation : Ron Howard
Avec : Jude Law, Ana de Armas, Vanessa Kirby, Daniel Brühl, Sydney Sweeney, Toby Wallace
Pays : États-Unis
Genre : Thriller, Policier
Date de sortie : 03 septembre 2025 (Belgique)
Durée : 2h09

