« Et bien pas de chance pour toi mais je vais manger en face de toi » me lance Benoît Poevoorde. Mais il n’y a aucun souci mon bon Benoît, c’est toi que je suis venu voir sur le plateau du nouveau long métrage de Fabrice Du Welz, Adoration.
Nous sommes le 25 juillet 2018. Juste à la moitié du tournage. Le décors est un camping abandonné au lieu dit Auf dem Hau à Butgenbach, localité à la frontière belgo-allemande dans les Fagnes. L’équipe vient de tourner une cascade avec une voiture. Il pleut. Premier jour de pluie depuis le début des prises de vue. L’averse ne durera qu’une heure, uniquement pour me souhaiter la bienvenue. La canicule reviendra rapidement. Pas de chance pour les acteurs du jour, ils tournent l’après-midi la scène 101 qui se déroule dans une serre.
L’histoire est celle d’un jeune garçon qui s’appelle Paul, incarné par Thomas Gioria (Jusqu’à la garde de Xavier Legrand). C’est un doux, un réveur, un innocent. Il vit avec sa mère qui est technicienne de surface dans un asile psychiatrique pour personnes aisées. Un jour, arrive dans l’asile, une jeune fille de son âge dont il va tomber éperdument amoureux.
Le casting est complété par Fantine Harduin (Happy End de Michaël Hanneke) et l’acteur belge Peter Van den Begin. Sur IMDb ou encore Allociné, vous trouverez encore les noms de Béatrice Dalle et Emmanuelle Béart. Si la première y fait effectivement une apparition, la seconde avait effectivement été pressentie mais son agenda ne lui permettait d’être présente au tournage. Elle a été remplacée par Gwendolyne Gourvenec (la pulpeuse Mademoiselle Chiffre dans Le Petit Spirou de Nicolas Bary).
Retour à la cantine. Benoît dévore ses spare ribs avec un flot de paroles ininterrompues. Je découvre que l’acteur belge est dans la vie comme il est en interview. Il n’arrête pas de parler, il fait le show. Son interrogation du moment : changer d’hôtel afin de pouvoir profiter d’une piscine. Ce n’est pas un caprice de star, juste une envie. Benoît Poelvoorde est certainement la vedette la plus facile à gérer. Sa loge est sa voiture. C’est là qu’il se change, qu’il se repose, se ressource. C’est là aussi que je tenterais d’avoir quelques mots de lui devant ma caméra mais Fabrice Du Welz vient de lancer un « Action« . Silence, ça tourne en plateau…
L’après-midi sera intense. « Oui, c’est très intense » confirme le réalisateur belge, « Il vient d’avoir 2-3 jours très intenses. Les gens sont un peu fatigués. On approche de la fin de la 4ème semaine. Il en reste 3. C’est un film très physique mais comme sont généralement mes tournages« .
Il fait très chaud. La maquilleuse est appelée régulièrement pour éponger Benoît et faire des raccords maquillage à Thomas Gioria, le jeune acteur est impressionnant et se révèle comme un espoir de grand talent pour le cinéma francophone. Le réalisateur ne parvient pas à obtenir ce qu’il désire. Il ne lâche rien. Fait recommencer inlassablement la scène en mettant la pression sur l’équipe tout en encourageant les acteurs et en dictant le résultat qu’il espère obtenir.
Fabrice Du Welz s’est entouré d’une équipe qu’il connait bien. On retrouve notamment Manu Dacosse à la direction de la photographie. Le film est tourné en pellicule « parce que le digital c’est de la merde » me répond Fabrice. « C’est une arnaque, on nous enfume avec ça. Et puis, moi, avant tout, je suis un cinéaste. Je fais des films. Je travaille en argentique. Il n’y a pas de raison que cela change. Et puis j’aime les matières« , conclut-il. Lorsque je lui fais remarquer que Steven Soderbergh vient de réaliser le film Paranoïa avec 3 IPhone 7S, il me répond : « Soderbergh a une approche d’expérimentateur comme Lars von Tier. Ce sont des gens qui expérimentent le matériau cinématographique. Moi, je n’en suis pas là. Je continue à faire des films comme je les ai rêvés lorsque j’étais enfant. Et pour moi, c’est impensable de tourner en numérique. »
Je demande ensuite à Fabrice Du Welz de classifier son nouveau film, voici sa réponse : « Adoration est un film de jungle avec des enfants ».
Nous sommes à la moitié du tournage. L’équipe déménage à Charleroi et ensuite à Bruxelles. Le film sortira en 2019…
Une réflexion sur “CHRONIQUE : Sur le tournage de « Adoration » de Fabrice Du Welz”