Je n’avais pas eu l’occasion de voir le film événement de Cannes, 120 Battements par Minute de Robin Campillo, alors lorsque j’ai appris qu’il était diffusé au Sofilm Summercamp à Nantes ce jeudi 29 juin 2017, je n’aurais voulu rater cette projection sous aucun prétexte.

Je me souviens qu’à la sortie de la projection presse, la croisette ne parlait plus que de ça, des émotions (et des larmes) que les journalistes avaient eu en regardant l’histoire de l’association Act Up Paris qui fête cette année ses 25 ans de lutte contre le SIDA.

Mais plus que l’histoire d’Act Up Paris, je me souviens que mon ami Nicolas Gilson me répétait sans cesse que c’était une histoire d’amour. Une histoire vécue par Sean (Nahuel Perez Biscayart) et Nathan (Arnaud Valois), deux acteurs que le monde découvrait et dont la presse titrait déjà « révélation ».

Si je connaissais bien Nahuel Perez Biscayart pour l’avoir interviewé dans le lit du Mister Emma Art Loft en 2014 à l’occasion de la sortie du film Je suis à toi de David Lambert, je ne connaissais pas Arnaud Valois, et pour cause, ce dernier a rapidement abandonné le métier de comédien pour devenir masseur. Sa filmographie remonte à 2006 avec Selon Charlie de Nicole Garcia, il avait alors 15 ans. D’après Campillo, sa beauté avait été la raison de son abandon : il m’a raconté lors du casting qu’il arrivait toujours deuxième mais, en définitive, on ne le choisissait jamais car il était trop beau. Ce n’est pas pour sa beauté que la réalisateur l’a choisi mais pour son jeu. Un excellent acteur, une très belle révélation que nous espérons revoir sur grand écran.

120 Battements par Minute est donc bel et bien une histoire d’amour sur fond de militantisme à Act Up Paris. Ce n’est en aucun cas un bio pic ni un documentaire sur l’association. Néanmoins, le film navigue entre les deux continuellement, le couple est important mais tout autant que le militantisme. Du coup, je trouve que le couple aurait du prendre plus de place ou au contraire, je trouve qu’il manque des moments forts dans les actions de lutte. Robin Campillo cherche en nous la larme dans l’histoire d’amour mais réussit beaucoup mieux à nous raconter les scènes de militantisme : on a tourné les scènes plusieurs fois, je leur faisais changer de places, puis de t-shirt et au fur et à mesure j’obtenais des variantes que je pouvais utiliser au montage afin de montrer une certaine assurance ou au contraire certains doutes.

Robin Campillo a été chercher dans ses souvenirs pour raconter cette histoire. Ancien militant d’Act Up Paris, il a puisé dans son vécu, dans son passé pour imaginer le scénario qui est autant de petits bouts d’autoportrait de lui et de ses anciens camarades, sans jamais être tout à fait réels mais plutôt fictionnalisés.

Lors du débat qui a suivi la projection à laquelle j’ai assisté, une personne déclarait que la retranscription de l’époque était tout à fait réussie. Pour ma part, je pense que le SIDA est bien pire que ce que Robin Campillo montre à l’écran. Le déclin de Sean n’est pas à la hauteur des épouvantables épreuves que doivent subir les malades.

Le film est un coup de poing. Il est émouvant, il est bouleversant. Il montre aussi très bien la difficulté de faire des actions fortes pour combattre l’indifférence générale de l’époque et avoir accès aux médias. Il fallait marquer les mémoires pour sortir de l’ombre avec des succès mais aussi des ratés comme lors du Sidaction de 1996 où son président apostropha rudement le ministre de la Culture Philippe Douste-Blazy pour s’opposer aux expulsions de malades étrangers, traitant la France de « pays de merde ».

Robin Campillo nous a raconté que le Festival de Cannes lui avait demandé de réduire la durée de son film (initialement 2h20). Il leur avait alors annoncé avoir retiré 6 minutes mais n’en avait en définitive retiré qu’1 et, en ajoutant les logos des partenaires producteurs, le film en avait en fait gagné 3. C’est vrai qu’il pourrait être plus court mais la durée n’est pas un problème, le réalisateur vous emporte dans son univers et vous ne voyez pas le temps passer.
Il rate, pour ma part, le fin de son film : d’une part, le deuil est trop long et, d’autre part, la scène finale est mal placée. Même si je comprends ce que le réalisateur a voulu montrer, même si c’est une scène très forte de désespoir et d’amour dont il a lui-même été témoin, je trouve qu’elle brouille la beauté du lien (et de l’accompagnement) entre Sean et Nathan.

Je voudrais, en marge de cet article, parler de deux personnes qui ont marqué mon esprit à l’époque : Clémentine Célarié qui avait, en 1994, sur le plateau du Sidaction, embrassé un jeune homme séropositif afin de contribuer à la lutte contre les idées reçues sur le VIH et Christophe Dechavanne qui concluait traditionnellement ses émissions par la formule Sortez couverts !, allusion au port du préservatif, seul moyen de lutte contre la propagation de la maladie.

Robin Campillo – Portrait réalisé au Sofilm Summercamp 2017 – Nantes – ©misteremma.com

Sortie cinéma : 23 août 2017 (France – Belgique)
> 120 Battements par Minute a été présenté en Sélection officielle du Festival de Cannes 2017 et a reçu le Grand Prix et la Queer Palm.
> 120 Battements par Minute a été présenté au Sofilm Summercamp le jeudi 29 juin 2017 à Nantes.
> Le même jour, Robin Campillo reçut le Out d’Or de la création artistique – première remise française de prix attribués à la visibilité LGBT, organisée par l’Association des journalistes LGBT (AJL) – ex-æquo avec Amandine Gay pour Ouvrir la voix.


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