PALACE : Un projet architectural d’envergure pour un nouveau cinema art et essai à Bruxelles

Palace – Façade Paul Hamesse (1905) – Bruxelles – ©misteremma.com

En 1905, Charles Pathé commande à l’architecte Paul Hamesse un complexe de divertissement sur le modèle des théâtres à l’italienne. Construit sur une parcelle en forme de Y allant du 85 boulevard Anspach au 19 Borgval et 28 rue Van Praet.
En 1913, le bâtiment devient le plus grand cinéma de la Ville de Bruxelles avec 2500 places.

En 1926, l’architecte Gustave Hubrecht transforme le rez-de-chaussée de la grande salle : une partie du parterre est surélevée afin d’optimiser le confort de vision des spectateurs et le café mauresque est divisé en loges cloisonnées.
La société Pathé Frères charge l’architecte Rie Haan de moderniser les salles en 1950. Seuls quelques vestiges de 1913 subsistent dont le Foyer Hamesse.

En 1973, le cinéma ferme ses portes. L’installation d’un showroom de Bauknecht dans le vestibule de l’aile Anspach en 1976 porte un coup terrible à l’image des lieux. On y implante une mezzanine, qui engendre la destruction des doubles volées basses d’escaliers. Des parkings sont aménagés à la place du parterre de la grande salle et le rez-de-chaussée de la façade Anspach est affublé d’un habillage métallique.

SECONDE VIE

A la fin du 20è siècle, Frédéric Nicolay poursuit le développement du quartier Saint Géry et installe, en 1994, au 28 rue Van Praet le Pathé Palace Café, plus connu par les bruxellois comme Pp Café. En 1997, les trois façades et le foyer Hamesse sont classés par la Commission royale des Monuments et Sites. Et en 1998, l’édifice retrouve sa vocation première grâce au projet Kladaradatsch!. La grande salle de cinéma des années ‘50 est divisée en trois. Les vestiges du plafond de 1913 qui subsistaient disparaissent pour laisser place à un nouveau caisson, qui garantit une acoustique supérieure et une meilleure résistance au feu. L’architecte Joël Claisse conduit la restauration à l’identique du foyer Hamesse et de sa galerie. Mais l’activité du cinéma ne durera que quelques années et en 2001, après une bataille communautaire rocambolesque (lire l’affaire ICI), la Communauté française rachète le bâtiment. Coût de l’achat du bâtiment : 5 millions d’euros.

Au même moment, le Théâtre National doit trouver un nouveau lieu en attendant son nouveau nid au boulevard Emile Jacqmain. La Communauté française a l’idée de l’installer dans sa nouvelle acquisition. L’architecte Olivier Bastin (L’Escaut) y installe un équipement scénographique adapté, qui permettra au Théâtre National de Belgique d’y prendre ses quartiers jusqu’à fin 2004. Coût des travaux pour installer le Théâtre National : 1 million d’euros.
Ces travaux dénature entièrement les rénovations exemplaires effectuées pour l’exploitation du Kladaradatsch!. Au terme de cette occupation temporaire, il faut tout refaire !

Palace – Elements du décors du Foyer Hamesse (1913) – Bruxelles – ©misteremma.com

AVENIR

C’est en 2003 que la Communauté française lance un appel à manifestation d’intérêt pour la réaffectation du lieu en cinéma d’art et essai « mettant en valeur le cinéma de la Communauté française de Belgique et le cinéma européen en général ». L’asbl Le Palace remporte l’appel à projet en 2004. L’association est portée par plusieurs acteurs importants du cinéma belge : Luc et Jean-Pierre Dardenne (Les Films du Fleuve), Patrick Quinet (Artémis Productions), Eliane Du Bois et Stéphane De Potter (Cinéart-Cinélibre), Nicole La Bouverie (Zénab). Au programme : cinéma d’art et essai belge et européen, activités éducatives et grands événements.

Dès 2006, l’Atelier d’architecture Alain Richard est élu pour mener à bien les rénovations du complexe. Il faudra attendre 6 ans pour que les travaux démarrent. En novembre 2012, l’architecte choisit comme grammaire de créer du vide autour des éléments existants et d’introduire la lumière naturelle mais les travaux sont plus conséquents que prévus. Les nouveaux propriétaires n’avaient pas pris en compte le coût des espaces classés ou encore la TVA. Chaque année, la Fédération Wallonie-Bruxelles (nouvelle appellation de la Communauté française depuis avril 2011) injecte de l’argent pour arriver au bout du projet titanesque (lire les problèmes liés au dossier ICI). On parle de 15 à 16 millions d’euros pour les travaux de construction-rénovation. En 2014, la vice-présidente et ministre de l’Éducation, de la Culture et de l’Enfance, Joëlle Milquet, prendra son bâton de pèlerin pour faire le tour des institutions flamandes, bruxelloises et nationales afin trouver une aide financière ou même un acquéreur… A l’époque, on espérait encore une ouverture en 2015.

7 février 2013 – Travaux – Palace – ©misteremma.com

Nous sommes le lundi 12 février 2018. Le Président du Conseil d’Administration, Luc Dardenne, et son équipe ont présenté cet après-midi le projet à la presse et à près de 200 professionnels venus (re)découvrir le plus vieux cinéma bruxellois.

Dès son entrée dans le bâtiment (côté boulevard Anspach), le spectateur se retrouve confronté aux éléments historiques avec les escaliers de l’entrée et le foyer Hamesse repensé pour qu’il puisse être accessible aux personnes à mobilité réduite. Ensuite, plus il s’enfonce à l’intérieur de l’îlot, plus il est mis en contact avec des éléments contemporains qui semblent être suspendus avec une grande légèreté sur les colonnes qui constituaient le corps des anciens bâtiments. Les trois entrées de l’Y sont accessibles. Le bâtiment se veut ouvert et vous invite à une simple promenade, à boire un verre et/ou à voir un film dans une des quatre salles du complexe. Avec 60, 84, 139 et 373 places par salle, on est loin de la capacité du début du siècle dernier et de ses 2500 places. Le cinéma se pense autrement en 2018. L’évolution et la multiplicité des écrans ont amené les concepteurs à porter une offre différente au spectateur. Lorsque l’asbl a imaginé son projet en 2004, le risque venait de la télévision et surtout du DVD. Depuis lors, ces médias sont moribonds et Netflix a fait son apparition. « Je pense que le cinéma a toujours un avenir. Netflix a produit 125 films sans aucune renommée. Amazon, par exemple, a une toute autre approche. La société américaine pense qu’un film ne peut exister que s’il est passé en salle et en festival. C’est le cinéma qui apporte la renommée d’un film. » (Luc Dardenne)

Autant vous dire que vous serez surpris par le résultat architectural basé sur l’intermodalité entre les 4 salles de cinéma, le bar, le restaurant, les espaces détentes et les foyers. Le Palace se veut un lieu convivial dans lequel vous pourrez aller voir un film dans la salle obscure et une seconde fois autour d’un verre comme le préconise Luc Dardenne.

Pour faire fonctionner ce nouveau bijou, le Conseil d’administration mise sur 20% de subsides publics + 80% de recettes provenant du bon fonctionnement de l’Horeca et de 100 000 spectateurs (125 000 après 3 ans) dans les salles. Pas de publicité avant les films. Prix des places variant de 6 à 8,75 euros.

Le Palace, c’est aussi 25 équivalents temps pleins (4 personnes à la direction, le reste se partageant les tâches HORECA et cinéma), et un conseil d’administration remodelé depuis 2004. En effet, Nicole La Bouverie (Zénab) et Jean-Pierre Dardenne ont quitté le navire. Eliane Dubois, fondatrice et directrice de Cinéart, est décédée en août 2013. En 2015, la réalisatrice Fien Troch et Bart Van Langendonck ont rejoint le C.A..

La programmation se veut éclectique avec des films d’art et essai, des blockbusters qui questionnent, des rendez-vous courts métrages et documentaires, de nombreux invités et un véritable pôle d’éducation permanente.

Pour son ouverture le mercredi 28 février 2018, le Palace mise sur Hannah de Andrea Pallaoro. Ce film Italo-franco-belge porté par Charlotte Rampling raconte le portrait intime d’une femme qui, alors que son mari est emprisonné, oscille entre le faux confort du déni et la confrontation à la réalité. La présence de l’actrice rehaussera cette première et fera certainement oublier la pauvreté de l’inauguration de la veille. En effet, le mardi 27 février, le Palace avait convié plus de 300 invités issus du cinéma et de la politique à venir fêter ce nouveau lieu. Après avoir laissé ses invités plus d’une heure sans boire ni manger et avec un micro crachotant, Luc Dardenne est revenu longuement sur les problèmes qu’a connu le complexe durant toutes ses années de transformation. Il a ensuite passé la parole à Fien Troch qui a parlé du programme d’éducation permanente. Pas une image projetée sur l’écran de la salle 1 pour montrer la qualité du matériel, pas d’annonce sur la marraine du lendemain, pas de visite guidée non plus des lieux mais un accent mis sur le circuit court et sur les bières du service catering : « J’espère que vous aurez autant de plaisir à déguster les bières que nous en avons eu à les goûter pour les sélectionner » nous signale un intervenant. On aurait aimé mais les invités sont restés au mousseux et aux dés saucisson-fromage en guise de « walking diner » qui a suivi les speechs. Le groupe Paul Hamesse a bien tenté de réchauffer l’atmosphère, alors que pendant ce temps, le webmaster tentait en vain que le site Internet www.cinema-palace.be soit online pour le vrai jour d’ouverture.

Palace – Aa-ar-atelier d’architecture Alain Richard – Bruxelles – ©misteremma.com
Palace – Aa-ar-atelier d’architecture Alain Richard – Bruxelles – ©misteremma.com
Palace – Aa-ar-atelier d’architecture Alain Richard – Bruxelles – ©misteremma.com
Palace – Aa-ar-atelier d’architecture Alain Richard – Bruxelles – ©misteremma.com
Palace – Aa-ar-atelier d’architecture Alain Richard – Bruxelles – ©misteremma.com
Palace – Aa-ar-atelier d’architecture Alain Richard – Bruxelles – ©misteremma.com
Détail du couloir menant à une salle de cinéma – Palace – Aa-ar-atelier d’architecture Alain Richard – Bruxelles – ©misteremma.com
Guichets – Palace – Aa-ar-atelier d’architecture Alain Richard – Bruxelles – ©misteremma.com
Café Palace – Aa-ar-atelier d’architecture Alain Richard – Bruxelles – ©misteremma.com

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