La cérémonie des Jeux Olympiques de Paris 2024 était juste unique, dingue, incroyable, diverse, plurielle, inclusive. Elle a mis la diversité et la richesse de l’histoire française sur le devant de la Seine. Avec ses milliers d’artistes, ses artisans, ses ingénieurs, ses entreprises novatrices et un savoir-faire collectif d’une France dynamique et fière, les organisateurs de la cérémonie d’ouverture ont écrit une légende.
Pari fou pour les organisateurs de ces jeux, organiser la cérémonie d’ouverture en dehors d’un stade mais au cœur de la Capitale avec plus de 300.000 spectateur·rices. Pari réussi puisque, malgré une pluie battante et des trompes d’eau qui se sont abattues sur les artistes, la cérémonie a bel et bien eu lieu sans accro et avec des images, des tableaux qui resteront longtemps dans l’histoire du divertissement. Rien qu’en France, 23,24 millions d’individus, entre 19h26 et 23h30, selon Médiamétrie, ont regardé la cérémonie sur France 2, soit une part d’audience de 83,1 % avec un pic à 25,2 millions de téléspectateur·rices enregistré à 21h56. Il s’agit de la 2ème meilleure audience de tous les temps. Seule la finale de la Coupe du monde 2022, France/Argentine sur TF1 a fait mieux en nombre de téléspectateur·rices (24,08) mais pas en part de marché (81%).
Tout démarre avec une levée de rideau sur un pont parisien aux couleurs du drapeau français. Cette première image est déjà époustouflante et pourtant, elle sera balayée par tant d’autres : Lady Gaga et ses plumes roses en bord de Seine pour interpréter « Mon truc en plumes » de Zizi Jeanmaire. Autre tableau qui marquera les esprits est celui de Aya Nakamura, en costume Dior flamboyant, qui sort de l’Académie française en feu pour interpréter des extraits de ses tubes (Pookie, Djadja) avant de chanter “For me Formidable” de Charles Aznavour. Elle est accompagnée, sur le Pont des Arts, de 60 musiciens de la Garde républicaine et de 36 choristes du Choeur de l’Armée française. Voilà une prestation qui n’est pas passée inaperçue tant l’artiste fut la cible des racistes français depuis l’annonce de sa possible participation à la cérémonie mais la faire intervenir depuis l’Académie française était une énorme surprise et un pied de nez à cette institution qui prône et glorifie un entre-soi masculin surtout blanc et classiste depuis 3 siècles ! À ce jour, 10 femmes auront été élues dont la première fut l’écrivaine Marguerite Yourcenar en 1980.
Les femmes seront mises à l’honneur, au niveau du Pont Alexandre-III, dans un tableau d’hommage à dix grandes figures féminines de l’Histoire de France : Olympe de Gouges (1748-1793), Alice Milliat (1884-1957), Gisèle Halimi (1927-2020), Simone de Beauvoir (1908-1986), Paulette Nardal (1896-1985), Jeanne Barret(1740-1807), Louise Michel (1830-1905), Christine de Pisan (1364-1431), Alice Guy (1873 – 1968) et Simone Veil(1927-2017)
L’artiste qui mettra tout le monde d’accord est Céline Dion et son interprétation époustouflante de « L’hymne à l’amour » d’Edith Piaf. On pourrait, également, citer les instants suspendus : la mezzo-soprano Axelle Saint-Cirel interprète la Marseillaise drapée dans une robe bleu blanc rouge; le chorégraphe et danseur malentendant Shaheem Sanchez danse sur « Supernature » en langue des signes; le groupe de metal Gojira revisite le chant révolutionnaire « Ça ira » accroché à la façade de la Conciergerie (prison pendant la Révolution française et dont la prisonnière la plus célèbre Marie-Antoinette vient faire une apparition la tête coupée) ; le solo du danseur étoile Guillaume Diop sur le toit de l’Hôtel de Ville; Juliette Armanet et Sofiane Pamart reprennent « Imagine » de John Lennon et Yoko Ono sur la Seine avec un piano en feu; la star de l’opéra et break danseur Jakub Józef Orliński interprète « Viens, Hymen » de Rameau…
Côté sportif, on attendait Zinedine Zidane comme dernier porteur de la flamme… mais il intervient dans une séquence filmée dès le début de la cérémonie avec Jamel Debbouze. Il porte la flamme mais, coincé de le métro, il la confie à 3 jeunes et la flamme passe dans les mains d’un mystérieux chevalier que l’on va suivre durant toute la cérémonie (référence à Arsène Lupin, Le Masque de Fer et aussi au jeu vidéo Assassin’s Creed qui se déroule à Paris pendant la Révolution française. Ce jeu est développé et édité par le français Ubisoft). Il nous emmènera sur les toits de Paris et dans plusieurs bâtiments emblématiques dont le Louvre où La Joconde a été volée… par les Minions ! (référence à Pierre Coffin, ancien élève de l’école des Gobelins et créateur des personnages jaunes de la franchise « Moi, Moche et Méchant » )
En fin de parcours, Zizou récupère la flamme mais pour la donner à Rafael Nadal. La flamme passe alors de main en main dans une séquence pleine d’émotion pour terminer dans celles de Marie-José Pérec et Teddy Riner qui vont embraser le chaudron olympique, un anneau-flamme de 7 mètres de diamètre, surmonté d’un ballon de 30 mètres de haut et 22 mètres de diamètre. Ce dernier s’élèvera dans le ciel de Paris à la tombée du jour durant toute la période des jeux. Cet anneau-flamme est exceptionnel et novateur car il est sans combustible ! Fait d’eau et de lumière, il ne brûle pas. C’est une première signée EDF.
N’en déplaise à Marion Maréchal, les trio amoureux ont toujours existé dans la littérature et le théâtre français. « Ménage à trois » se dit, d’ailleurs, en français dans le monde entier… Et puis cette séquence est un hommage au film « Jules et Jim » de François Truffaut. L’apparition d’un triangle amoureux n’avait donc rien d’un effet féministe ou wokiste mais d’une référence culturelle… Dans cette séquence de marivaudage, les protagonistes dialoguent par titre de romans (« Bel Ami » de Guy de Maupassant, « Les liaisons dangereuses » de Pierre Choderlos de Laclos ou encore « Le diable au corps » de Raymond Radiguet).
L’extrême droite est vent debout contre la cérémonie mais ce sont bien les seuls… enfin presque… il y a un autre individu qui n’est pas content et il s’appelle Elon Musk. Il a trouvé irrespectueux l’interprétation de Philippe Katerine… C’est vrai qu’on n’était peut-être pas prêt ! Le voir couché, nu, dans un plat de fleur, peinturluré en bleu. Les journalistes du monde entier se demandent encore qui était ce Dionysos, dieu de la fête et des excès. Son apparition s’est produite dans un tableau très baroque où le pont Debilly s’était d’abord transformé en catwalk avec des mannequins, des artistes et des drag queens habillé·es par de jeunes créateurs français, puis en boîte de nuit avec une ode aux diverses danses sur une playlist de la Djette Barbara Butch. J’en profite pour décerner une médaille d’or à la bande son de la cérémonie. De bout-en-bout, un sans faute.
Revenons un peu plus amplement sur la Cène révisée par des Drag Queens et la Djette Barbara Butch. L’extrême droite et les catholiques y voient un blasphème… pourtant en 1955, Salvator Dali peint sa version du dernier repas, tout comme Andy Wharhol en 1986, et aussi le photographe David LaChapelle. Le tableau peint pour le réfectoire du couvent dominicain de Santa Maria delle Grazie à Milan par Leonardo Da Vinci est certainement l’une des œuvres les plus détournées dans le monde : la franchise Star Wars, la série d’animation « Les Simpsons« , Nintendo, Battlestar Galactica, les séries « Les Sopranos » ou encore « Dr House »… et même Astérix et Obélix ont créé leur version mais là, personne n’a dit quelque chose. Alors pourquoi s’en offusquer aujourd’hui et dire que c’est de l’irrespect wokiste contre une religion !? Ceci dit… il ne s’agissait, en fait, pas de la Cène (!)… mais d’une inspiration du « Festin des Dieux » du peintre hollandais Jan van Bijlert. Ce tableau représente Dionysos et un satyre devant la tablée des dieux et déesses de l’Olympe. Philippe Katerine est nu en référence aux athlètes de l’époque antique grec qui courraient nus. Les paroles de la chanson expriment l’égalité des hommes et des femmes lorsque nous sommes nus : il n’y a plus de classes, plus de différences.
Enfin et pour en finir définitivement sur ce chapitre, rappelons que la cérémonie de clôture des jeux de Sydney (2000) avait une allure de fête gigantesque dans laquelle Kylie Minogue avait chanté « Dancing Queen » d’Abba, l’acteur Paul Hogan était apparu sur le chapeau de Crocodile Dundee… et aussi Priscilla, sur son bus argenté, était accompagnée de nombreuses Drag Queens. Thomas Jolly et Daphné Burki n’ont donc rien inventé, ni blasphémé. Désolé pour la haters…
Alors que faut-il retenir de cette cérémonie ? C’était audacieux et créatif. L’image de Paris et de la France brille pour les prochaines années : une France riche, multiculturelle, plurielle et féérique. Ce fut une cérémonie inclusive, respectueuse de la diversité. J’ai trouvé cela très… peut-être trop… français. Si Marine Tondelier, la nouvelle égérie du parti écologique français, se marre sur X de voir le RN en PLS, la cérémonie s’adresse à un milliard de personnes et se doit d’être universelle. Voilà pourquoi, il aurait été bien que les journalistes aient les références historiques pour expliquer au milliard de téléspectateur·rices ce qu’iels étaient en train de voir : l’hommage aux frères mongolfier avec l’anneau-flamme, le vol de la Joconde en 1911 par un vitrier italien, « Le bateau ivre » de Rimbaud lors de la séquence avec les ados, le crocodile retrouvé en 1984 dans les égouts de Paris, …
La pluie n’a pas rendu la captation et la retransmission télé aisées, ni le déplacement des artistes. Certains tableaux étaient très bien filmés comme celui de Lady Gaga et Céline Dion, d’autres ont été évincés comme celui des caricatures. Certaines parties / séquences ont été purement et simplement modifiées ou annulées. Certaines furent trop longues comme celle sur le pont Debilly ou la remontée de la chevalière sur son cheval de fer (référence à Jeanne Darc) mais qui, malgré sa longueur, marquera les mémoires tant l’image était sublime. Il reste tant d’images impressionnantes.
Thomas Jolly, le directeur artistique et toutes ses équipes ne peuvent être que félicités pour ces prouesses artistiques et techniques.
Magnifique et impressionnant en effet. Je pensais y jeter un œil mais suis restée devant mon écran de bout en bout…
Mes moments favoris furent le tableau « syncronicity » sur les quais, la cavalière et bien sûr l’embrasement et l’envol de la flamme olympique. Mais que de plaisir, d’étonnement et de sourires à voir ces danseurs, ces chanteurs, ces acrobates, ces costumes chatoyants, ces hommages, ces références historiques ou artistiques. Et cette diversité foisonnante, plurielle et inclusive.
Merci pour cette synthèse et tes commentaires Mister Emma !
Nous sommes tous les deux sur la même longueur d’onde !