La petite phrase de Yann Moix, « je suis incapable d’aimer une femme de 50 ans », aura fait couler beaucoup d’encre ce 8 janvier 2018.
Il a prononcé cette phrase lors d’un entretien paru dans l’édition de janvier 2019 du magazine Marie Claire (lire l’article). Pour être complet, il ne dit pas que ça : il avoue d’abord qu’il ne sort qu’avec des asiatiques. « Essentiellement des Coréennes, des Chinoises, des Japonaises » déclare-t-il. Concernant les femmes de 50 ans, il dit « Je trouve ça trop vieux. Quand j’en aurai 60, j’en serai capable. 50 ans me paraîtra alors jeune« . Mais le problème ne se situe pas au niveau de l’âge à proprement parlé mais plutôt du désir. Il donne comme exemple sa rencontre avec Fanny Ardent pour argumenter son propos : « J’ai eu la chance de croiser Fanny Ardant chez Gérard Depardieu, je ne sais pas quel âge elle a, mais elle est extraordinairement belle« .
Depuis que ce passage est sorti sur Twitter, il est obligé de parler dans les médias de ses préférences sexuelles plutôt que de faire la promo de son dernier livre « Rompre » aux Editions Grasset.
Sur les réseaux sociaux, des centaines de femmes l’insultent, l’injurient ou lui envoient des photos d’elles ou d’actrices connues internationalement afin de lui démontrer qu’à 50 ans les femmes peuvent encore être belles.
Tribunal du goût
A lire tous ces messages, on a l’impression que ces femmes ont toutes été vexées qu’elles ne puissent pas/plus lui plaire… Et puis ces photos d’actrices qui ont toutes été retouchées au bistouri (réel ou virtuel) et qui n’ont rien de naturel tant une armada de relookeurs est passée par là avant que le photographe ne déclenche son shooting de 8000 photos pour en choisir une seule.
Dire que cette femme de 52 ans n’a aucune chance avec Yann Moix…
— Amelle Chahbi (@AmelleChahbi) January 7, 2019
Pauvre Halle Berry 😔 pic.twitter.com/leQcG3u3tY
Hey Yann Moix, regarde qui va avoir 50 ans cette année 👀 #tantpispourtoi pic.twitter.com/sS7ACFIZpN
— Lesbien Raisonnable (@LesbienRaison) January 6, 2019
Je ne comprends pas car je pense que chacun à ses désirs et ses fantasmes. Perso, je ne suis pas attiré par les mecs à la forte pilosité mais ce n’est pas pour cela que tous les barbus doivent m’envoyer une photos d’eux en me disant « regarde comme je suis beau et ce que tu manques » car je ne rate rien puisque ce n’est pas mon attirance !
Pensant que je n’aime que les hommes imberbes, un ami est toujours étonné lorsque je lui montre un homme avec de la pilosité. Mais ou est le problème ? Le désir a ses exceptions et c’est exactement ce que dit Yann Moix en donnant l’exemple de Fanny Ardant.
Demandez à vos ami.e.s ce qu’ils.elles regardent comme porno et demandez-vous si c’est cela qui vous excite. J’ai un ami qui appelle sa queue « Marine » car dès qu’elle voit une bite de couleur, elle débande ! Est-il raciste, misogyne, ou je ne sais quoi pour autant, je ne pense pas.
Et je ne parle que d’attirance physique. Nous pourrions élargir le champs des possibles en ouvrant le débat à la rencontre, à l’échange verbal et intellectuel et je suis certain que vous auriez tou.te.s des exemples de personnes que vous trouviez belles/moches et dont vous avez changé d’avis en lui parlant, en le.la fréquentant.
Revenons au débat « Yann Moix »… La meilleure réponse viendra certainement de la journaliste et écrivaine Colombe Schneck. Non pas sur Twitter où elle écrit bêtement « Quel imbécile tu es, tu ne sais pas ce que tu rates, toi et ton petit esprit bedonnant » (le tout accompagné d’une photo de ses propres fesses) mais sur le plateau de « C à Vous » (France 5) où elle défend la femme et elle rassure les femmes sur le fait qu’avoir 30, 40, 50 ans et même plus ce n’est pas grave : « Ce qui est triste, c’est que des femmes de 50 ans puissent le penser. Il ne faut pas se résigner. Jusqu’à la fin, jusqu’à la mort, il faut y aller ». Anne-Elisabeth Lemoine reconnait alors que Yann Moix ouvre un vrai débat sur l’auto-censure, une auto-dénigration des femmes. « Oui », confirme Colombe Schneck et complète : « j’ai fait un film il y a quelques années dans lequel j’interrogeais des femmes de 60, 70, 80 ans qui me racontaient leurs histoires d’amour. En fait, il y a un tabou autour de la sexualité des femmes parce qu’une femme qui n’est plus en âge de procréer ne devrait plus avoir de désirs, de corps. Elle devrait se ranger, faire des confitures« .
Voici donc une amorce d’un débat un peu plus constructif que celui de Valérie Damidot qui tweet « Wesh, gros, nous les quinquas on a pas non plus envie de ton micro kiki, la bonne année à toi« .
Et si les éditorialistes sautaient sur l’occasion – non pas pour insulter Yann Moix qui ne veut pas d’elles parce qu’elles ont plus de 50 ans ou parce qu’elles ne sont pas asiatiques ou parce qu’il ne veut pas s’excuser auprès de Marc-Olivier Fogiel – mais pour construire de jolis dossiers sur la beauté des femmes à n’importe quel âge afin que chacune se sente bien dans sa peau et dans ses attirances personnels. Elles pourraient ainsi faire évoluer les mentalités et les normes comme le fait très bien Sophie Gourion, auteure de « Tout à l’égo« , un blog qui se concentre sur la question de l’égalité femmes/hommes. Elle déclare notamment que les femmes de 50 ans et plus sont invisibles car « leur corps ne correspond plus aux impératifs de beauté exigés et attendu par notre société« . Elle dénonce le fait que les magazines féminins ont créé leur modèle économique sur les complexes des femmes. En montrant des femmes blanches, minces et belles, le magazine dit à ses lectrices qu’elles sont « une somme d’imperfections mais quelques pages après, on a des crèmes anti-ride, on va vous conseiller des injections de Botox qui va vous permettre d’atteindre cet idéal« .
L’artiste bruxelloise Bambi Rainotte nous partage, sous le pseudonyme de Biche de ville, ses joies, ses peines, ses amours, ses angoisses, sa sexualité de femme pas souvent épanouie sur son compte Instagram et Facebook afin d’inspirer ce qu’elle appelle « les parfaitement imparfaites ».
Bambi Rainotte vient de terminer, également, un long métrage intitulé « Veux Moi » qui aborde avec énergie la sexualité de la femme à travers l’assouvissement de ses pulsions mais également à travers le prisme de l’amour. Le film sera diffusé dans sa version courte au Festival Courts Mais Trash qui se déroulera à Bruxelles du 16 au 20 janvier 2019. Plus d’infos : cliquez ICI.