Yolanda, Clementina et Mimosa, prostituées et toxicos, errent dans les entrailles de Tijuana. Un enfer à ciel ouvert.
Cinéaste, vidéaste, plasticien mais aussi écrivain diplômé en 2000 de l’École nationale supérieure d’arts de Paris-Cergy, Jean-Charles Hue développe depuis une vingtaine d’année une œuvre singulière, tant au niveau de ses obsessions que dans sa manière de se jouer du «réel». En effet, Hue va constamment semer le trouble entre documentaire et fiction, le figuratif et l’abstraction au sein de récits ayant comme sujets de prédilection deux territoires. D’un côté, celui de la communauté sédentaire yéniche vivant en France à travers « La BM du Seigneur » (2011) et « Mange tes morts » (2014), de l’autre, celui du Mexique et plus particulièrement la Zone Norte de Tijuana, à laquelle il a consacré des formats courts ou longs, depuis le remarquable « Carne Viva » (2009) ou encore son dernier long-métrage « The Soiled Doves of Tijunana ».
Par l’entremise du montage, de la surexposition ou encore de la mise au point, le cinéaste n’hésite pas à virer dans l’abstraction pour donner à voir les tourments ou la quête de lumière de ces madones clochardisées. En collant au plus près de leur corps, il dépasse l’image de la seule détresse pour creuser leur humanité et leur redonner un droit à la beauté.
Le problème de ce genre d’histoire est qu’en 20 minutes (peut-être moins) tout est dit, le portrait des protagonistes est fait, le reste devient du quotidien, de l’accessoire, de l’anecdotique. Il n’y a pas un enjeu, une quête vers un monde meilleur, une solution aux vies désastreuses de Yolanda, Clementina et Mimosa. Vous êtes plongé dans le réel du quotidien. Tijuana est devenue la Sodome et Gomorrhe des temps modernes. Le déluge et la foudre se sont abattus sur les habitant·es de la ville qui n’ont comme salut que les échanges amicaux qu’iels ont avec les autres personnes tout aussi désespérées qu’elles.
Il y a dans le film de Jean-Charles Hue un point de détail très intéressant : les enfants. Dans de nombreux plans, alors que le réalisateur fixe son cadre sur une des 3 protagonistes, la vie légère et insouciante continue à se développer juste à côté, à se frôler. Régulièrement, vous entendez des familles et enfants parler en fond. La vie est là comme un monde parallèle.
Fiche technique
Titre : The Soiled Doves of Tijuana
Réalisation : Jean-Charles Hue
Pays : France
Genre : Drame documentaire
Date de sortie : 06 décembre 2023 (France) – 21 novembre 2024 (Belgique)
Durée : 1h22
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